Le data-mining : une solution pour optimiser la formation.

Publié le par Frédéric BOTTER

 

Le data mining pourrait se traduire en bon français comme une démarche de « fouille » ou de « forage » des données disponibles dans une entreprise en vue d’établir des corrélations statistiques entre ces différentes données pour faciliter les décisions. C’est une démarche qui s’inscrit dans le champs du big data. Très utilisée dans le domaine  du marketing, cette démarche peut aussi être très utile dans le domaine RH et dans celui de la formation.

L’exemple : optimiser la formation des vendeurs de produits assurances

Nous sommes dans le secteur de l’assurance. La direction nationale du développement a pour mission de former des centaines de salariés sur la vente des produits d’assurance. Elle organise régulièrement des formations dans tout le réseau de distribution à la demande des directions régionales. Mais ces formations ne sont pas toujours adaptées aux besoins des salariés. Soit elles sont trop approfondies, soit pas assez, en fonction des besoins des différents métiers (agent d’accueil, conseillers, assurpro, directeurs d’agence).  Elles ne ciblent pas, le « ventre mou », c’est-à-dire les salariés qui en ont le plus besoin. Dans l’impossibilité de repérer les salariés prioritaires pour ces formations et les besoins correspondants à chaque métiers et à chaque situation particulière, les directions régionales organisent des formations « en masse » sans réelle distinction des niveaux de besoins. Si elle rencontrent un bon succès, ces formations « massifiées » ne satisfont pas toujours les salariés qui les trouvent peu adaptées à leur situation particulière.

Le problème :

Comment repérer dans l’ensemble de la population concernée ceux qui ont le plus besoin de formation (le ventre mou) et comment personnaliser les parcours de formations en fonction des besoins de chaque métier ?

La solution mise en œuvre :

Le data-mining est efficace si les données sont disponibles et accessibles. Nous avons donc cherché quelles données sur la vente des produits assurance étaient disponibles. Et là, nous sommes tombés sur une vraie mine d’or : des tableaux Excel par région faisant état de nombreuses données sur les résultats de vente mensuels, vendeur pas vendeur et globalisées par région.

  • CA généré
  • CA par types de contrats
  • nombre de devis produits
  • nombre de RDV client réalisés

Ces données n’étaient pas exploitées par les acteurs de la formation.

Nous avions donc des indicateurs de performance assortis de données essentielles comme l’agence concernée, l’ancienneté dans le poste, l’âge...Un très bon point de départ mais insuffisant pour analyser les besoins en formation car nous souhaitions éviter de tomber dans le vieux réflexe inefficace : déficit de performance opérationnelle => prescription de formation, fortement ancré dans la culture des managers et des RH.

Il nous manquait des données liées au facteur « compétences » et au facteur « efforts de formation » pour les corréler à ces premiers indicateurs de performance et ainsi permettre une analyse des besoins plus fiable.

Les données de compétences ont été obtenues en faisant passer des tests aux salariés, sur les différents produits d’assurance, tests adaptés aux niveau de connaissance nécessaire pour chaque métier. Le pourcentage de réussite aux test nous permettant d’identifier le niveau de maîtrise des produits d’assurance et de la manière de les vendre (facteur compétences).

Les données de formations ont été récupérées auprès des services RH locaux. Elles ont été transformées en indicateur « d’effort de formation » : 100% si toutes les formations prévues pour le poste avaient été suivies par le salarié sur les 2 dernières années et 0% si aucune de ces formations n’avaient été suivies sur la même période.

Repérer le «ventre mou ».

Nous pouvions donc comparer 3 facteurs : performance opérationnelle, compétences et effort de formation et commencer à isoler les salariés prioritaires à la formation. Les cas les plus simples étant :

  • Performance opérationnelle inférieure à la moyenne régionale
  • Résultats au tests inférieure à la moyenne régionale
  • Pas ou peu de formation suivies sur les 2 dernières années

Les données personnelles de chaque salariés (ancienneté dans le poste, âge…) permettent encore d’affiner l’analyse et d’identifier des cas particuliers. A quoi bon envoyer en formation un salarié à deux mois de la retraite ou un salarié qui vient juste de prendre son poste et est encore dans son parcours d’intégration dans lequel des formation de base sont prévues ?

Personnalisation des parcours de formation

Le but de la démarche consistait aussi à personnaliser les parcours de formation.

Certains cas typiques ont pu être identifiés :

  • Le salarié a des résultats opérationnels inférieurs à la moyenne régionale mais ces résultats sont particulièrement plombés par l’indicateur « nombre de devis ». En d’autre terme il ne vend pas parce qu’il n’a pas le reflexe de proposer systématiquement un devis à ses clients ou prospects. Il attend que le client revienne vers lui. Et pourtant il maitrise les produits assurance, les résultats aux tests le confirme. Il n’a donc pas besoin de suivre des formations au produits d’assurance mais plutôt des modules sur la vente, voir un simple accompagnement de son manager sur la proposition de devis. En temps normal, et au vu de ses résultats, son responsable lui aurait proposé de suivre les formations produit. Avec ce système d’analyse, le manager identifie plus précisément le besoin en formation de ses collaborateurs.
  • Les produits d’assurance sont nombreux. Certains, plus simples, sont mieux maîtrisés que d’autres. L’analyse permet facilement, grâce à l’indicateur de performance opérationnel spécifique au produit et aux résultats des tests, d’identifier sur quels produits d’assurance, le salarié doit être formé en priorité. Les agences adaptant la vente de leurs produits au public, cela permet de mieux cibler les formations et d’éviter de former des conseillers sur des produits qu’ils ne vendront sans doute jamais sur leur territoire.
  • Troisième exemple, un salarié dont la performance vente est bonne sauf sur un produit spécifique. En regardant de près le taux de réussite au test sur ce produit d’assurance on peut facilement identifier le besoin. Le data-mining a permis de mettre à jours plusieurs cas de figure.

Cas 1 : argumenter sur la formation nécessaire

Performance vente produit A

Résultats test produit A

Formation produit A suivie

Préconisation

-25% //moy. région

10% de réussite

0

Formation produit A

Formation nécessaire. Avec ces données, le manager peut plus facilement argumenter sur la formation auprès de son collaborateur.

Cas 2 : éviter la formation inutile

Performance vente produit A

Résultats test produit A

Formation produit A suivie

Préconisation

0%//moy. région

80% de réussite

0

néant

Le cas 2 s’est produit plusieurs fois. Le salarié a appris par lui-même ou avec ses pairs. Il n’a pas besoin de la formation. En temps normal, comme il n’a jamais suivi la formation produit A, la DRH lui aurait « imposé » de la suivre.

 

Cas 3 : travailler la motivation

Performance vente produit A

Résultats test produit A

Formation produit A suivie

Préconisation

-25% //moy. région

80% de réussite

1

Remotivation. Accompagnement managérial

Les cas 3 cas sont nombreux. Le salarié n’a pas besoin de suivre une formation qu’il a déjà suivie. Son problème est plus du registre de la motivation à vendre le produit A. En temps normal, le manager l’aurait envoyé en formation sur la vente du produit A. Ces données  indiquent bien aux managers que le reflexe formation n’est pas toujours le bon et que la solution au problème, dans ce cas,  relève plus de l’accompagnement managérial.

 

Cas 4 : favoriser les alternatives à la formation

Performance vente produit A

Résultats test produit A

Formation produit A suivie

Préconisation

-10%//moy. région

30% de réussite

1

Formation au poste (e-learning, fiche pratique, tutorat)

Les cas 4 sont aussi fréquents. La performance est légèrement en deçà des exigences, les résultats aux tests sont mauvais mais le salarié a suivi la formation. Dans cette situation il aurait été préconisé une formation. Nous préconisons plutôt une formation au poste de travail, une révision par le biais de différents supports (fiche pratique, e-learning) tutoré, solution moins lourde que l’envoi en formation.

Prise de conscience des managers

La formation n’est pas toujours bien considérée par les directeurs d’agence qui trouvent que leurs collaborateurs y passent trop de temps. Pendant qu’ils sont en formation, ils ne vendent pas ! Et les conseillers pensent aussi quelquefois la même chose. Il n’ont pas toujours conscience de l’importance de l’investissement formation. L’analyse des données par collaborateur a pu mettre en évidence une corrélation forte entre les résultats opérationnels, les résultats des tests (compétences) et l’effort de formation. Même si tout le monde en est convaincu, le fait de produire ces données statistiques sur son équipe directement auprès du manager concerné, a permis de générer une prise de conscience et de modifier les attitudes de certains managers et conseillers au regard de la formation.

Faciliter l’évaluation de transfert et d’impact.

C’est un des points les plus appréciés par les directeurs d’agences. Lorsqu’un collaborateur a suivi un parcours de formation, il peut immédiatement en constater (ou pas ) et à court terme les effets sur les indicateurs de performance. L’évaluation d’impact est immédiate. La mise en œuvre de la démarche a cependant nécessité de former les managers à l’analyse et l’utilisation des données.

Aide à la décision

Dans cette démarche la direction nationale du développement s’est résolument positionnée dans une perspective d’aide à la décision auprès des directions régionales. La démarche n’est pas prescrite. C’est un service que la direction nationale propose à ses clients internes. Les managers en région et les directeurs d’agence restent seuls maître au final des décisions à prendre en matière de formation de leurs salariés. La direction nationale propose, à travers la démarche, un éclairage fiable en vue de faciliter la décision, elle n’impose rien. Le succès de la démarche tient en grande partie à cette posture d’aide et d’assistance. Il y a fort à parier que si elle avait été imposée en mode top-down, elle n’aurait pas généré autant d’adhésion. Au final c’est le manager qui décide du mode de développement des compétences de ses collaborateurs (formation, tutorat, accompagnement managérial…).

Limites

Dans cette situation le data-mining a réellement permis de mieux cibler les besoins en formation. Pour autant s’agissant de compétences de vente les facteurs de motivation personnelle ne sont pas pris en compte, comme ne le sont pas non-plus les facteurs environnementaux (management, communication, public…) qui peuvent aussi expliquer les déficits de performance vente. L’absence de ses facteurs sont cependant compensés par le jugement averti des managers terrain qui peuvent à tout moment modifier la préconisation. Mais la démarche a eu au moins le mérite :

-de sortir de l’équation : déficit de performance=>prescription de formation

-de proposer d’autres alternatives à la formation comme l’accompagnement managériale ou le tutorat par un pair

-de mieux cibler la population la plus « en besoin de formation »

-de mieux personnaliser les parcours de formation

 

 

 

 

 

 

 

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