Mon Parcours 2-ADIS : le digital avant l'heure

Publié par Frédéric BOTTER

Qui se souvient des premières images de synthèse dans les années 90 ? A cette époque tout le monde était éberlué par les logos synthétiques tournants et virevoltants des chaines de télévision et par les premiers effets spéciaux en image numérique au cinéma. C'est dans ce secteur d'activité que je vais planter mes dents en 1988. C'est un secteur génial ; innovant, à la mode, pleins de créatifs et de philosophes qui prédisent l'avènement de la société de l'image , c'est le début du multimédia et de l'Internet encore balbutiant.

Je rencontre deux fous passionnés qui viennent de créer leur boîte de formation en infographie et image de synthèse (ADIS : Agence pour le Développement de l'Image de Synthèse). On est à Montreuil sous Bois en plein dans la patrie de Méliès. Mes deux partenaires souhaitent créer une boîte de production et me demandent de prendre la direction du centre de formation moi qui n'ai jamais dirigé quoi que ce soit. J'ai une assistante, une comptable, 10 formateurs et un marché à développer. J'apprends tout : le marketing, le commercial, le management, la gestion et l’informatique graphique.

En bon cartésien, je commence par faire une analyse financière des produits de formation et là, je constate que les stages pourraient être beaucoup plus rentables : trop d'intervenants en free-lance, des divas qui nous coûtent chers, des investissements en matériel et en logiciel qui nous coûtent une fortune en remboursement de crédit. Par ailleurs je présents que certains secteurs de formation resteront des niches et j'oriente la stratégie vers des secteurs plus prometteurs. Au grand dam d'un des 2 dirigeants qui lui ne jure que par les niches. Le conflit est proche et l’ambiance lourde. Parler de rentabilité à des purs créatifs, c'est chaud ! Mais comme mon intuition commence à porter ses fruits, mes dirigeants lâchent du leste.

Je change tout au bout de 2 ans. Je recrute 3 formateurs à temps plein que fais tourner sur un maximum de stages, je passe un contrat de location avec un presta externe pour les postes informatiques, le système de location nous permettant plus de souplesse dans l'optimisation du parc et nous garantissant une actualisation gratuite. Je recentre les stages sur l’opérationnalisé ce qui me permet de réduire le nombre des intervenants. Au bout de 2 ans la rentabilité des stages est de 50 à 75%. Je développe une démarche qualité en me basant sur les normes AFNOR FPC qui viennent juste de sortir. Je mets au carré l'administratif formation qui laisse à désirer et ne nous donne pas une bonne image auprès de notre public et de nos financeurs. J'ouvre le centre au public à travers des réunions d'information de 2 heures tous les vendredi matin. Je veux jouer la qualité et la transparence.

Comme nous réalisons beaucoup de stages de longue durée, nos financements nous viennent d'acteurs publics (Région, Assedic, AFDAS...). La gestion est difficile, ces opérateurs ayant des délais de paiement très (et insupportablement ) longs. Je suis vite confronté à un problème de trésorerie. L’activité est rentable, nous avons très peu de concurrence mais la trésorerie est un vrai casse-tête.

Je décide d'ouvrir les formations aux entreprises en pensant que nous aurions là des clients plus réactifs en terme de paiement. Nous commençons à réaliser quelques belles missions avec EDF, France Télécom, l'INA et le ministère des affaires étrangères. Mais je ne suis pas habitué au commercial en BtoB. Je fais quelques erreurs...qui me coûteront cher. Au bout de 4 ans, nous réussissons à développer des contrats importants. Mais les technologies évoluant, il faut nous adapter très vite et nous avons du mal à investir à cause de notre trésorerie défaillante. Ce système se grippe peu à peu jusqu'à ce que le constat s'impose : nous allons devoir envisager une procédure de redressement judiciaire. Je prends alors en charge la gestion des relations avec le mandataire judiciaire et nous mettons en place un plan de redressement. Nous supprimons le poste d’assistante et les comptes sont épluchés au millimètre. Je deviens représentant du personnel avec l'accord de mes collaborateurs pour éviter la casse sociale et me protéger. Les relations avec mes partenaires dirigeants sont au plus mal. Malgré nos efforts, la liquidation est inévitable. Dommage me dira la mandataire car vous n'avez pas un montant important de dettes. Il vous faudrait des fonds pour relancer l'entreprise. Elle me propose de racheter l'entreprise pour 1 franc symbolique et de trouver un investisseur. Elle me fait confiance pour la redresser. Je ne m'en sens pas la force, je dis non et je le regretterais longtemps.

ADIS a été pour moi une aventure extrêmement enrichissante mais difficile. L'échec est toujours un coup dur porté au moral. Avec le recul, je me suis rendu compte d'une chose : même si j'entretenais de bonnes relations avec mon équipe, je n'avais pas assez misé sur les hommes. J'aurais du les associer plus et mieux à mes décisions, aux changements et au développement de la structure.

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